La réhabilitation de l’usine Legré Mante à Montredon

L’usine de Legré Mante, fermée définitivement en 2009, a été en activité pendant plus d’un siècle. Dans ses fours et ses cuves on a produit et travaillé du plomb (extraction du métal depuis le minerai brut), de la soude, puis de l’acide tartrique. Les batiments de l’usine sont entourés par 8,5 hectares de terrains pollués, comprenant entre autres une décharge de scories toxiques en bord de mer, une cheminée rampante et des bassins d’accumulation des eaux polluées. Les résidus des activités de l’usine ont laissé des niveaux de concentration jusqu’à 500 fois supérieurs aux seuils d’alerte pour 35 polluants, parmi lesquels du plomb, de l’arsenic, du mercure, du cadmium, du zinc, de l’antimoine, de l’amiante…

Une pollution des sols « inacceptable pour la santé publique » est attestée par plusieurs études réalisées entre 1996 et 2011. Une étude réalisée par l’InVS (Institut National de Veille Sanitaire) montre l’impact des polluants sur l’air et l’eau et souligne que le ré-envol des poussières et particules contaminées par les métaux lourds constitue un danger majeur pour la population.

Depuis 2010 le site Legré Mante a suscité l’interet de promoteurs immobiliers liés aux anciens propriétaires de l’usine. Il a fait l’objet de plusieurs projets immobiliers, prévoyant la réhabilitation des bâtiments existants et la réalisation de dizaines de milliers de m2 de nouvelles constructions. Les promoteurs ont essayé d’économiser sur les mesures de dépollution prévues par la loi pour les sites qui présentent ces niveaux de pollution, et ont proposé des projets ne tenant en aucun compte les caractéristiques et les problèmes du Littoral Sud, notamment ceux liés à la circulation et à la sturation du quartier.

Données sur de la concentration de plomb et autres polluants dans les sols du site Legré Mante et des environs

Source: Agence Régionale de Santé, ADEME

Télécharger la Documentation scientifique sur la pollution du site Legré Mante (source Ministère de la santé).

A deux reprises des associations de citoyens (parmi lesquelles l’ASLS) se sont battues contre ces projets, non pas parce que nous sommes contraires à la dépollution et à la réhabilitation de cette bombe chimique à retardement, mais parce que les habitants du quartier en ont marre des promesses non tenues :

L’ASLS demande :

  • une dépollution effectuée sur l’ensemble du site en respectant les plus hauts standards de sécurité

  • un projet dont la taille soit compatible avec les graves problèmes de saturation et circulation du quartier

  • une réhabilitation qui ouvre cet espace à la vie des habitants des environs et qui tienne compte des besoins du quartier

La justice donné raison à notre Association et à ses partenaires à plusieurs reprises: en 2013 et en 2024 les actions de l’ASLS, de Fare Sud et de l’Union Calanques Littoral ont amené à l’annulation des permis de construire. Ginkgo, le fond d’investissement « Private Equity » qui est actuellement le propriétaire du site, a été condamné à dépolluer l’usine et les alentours, y compris le dépot de scories de la plage de la Verrerie et la cheminée rampante.

 

Histoire de l’usine et du projet de réhabilitation du site Legré Mante

 

1875 -1883 : Fonderie de plomb argentifère, associée à une unité de production de soude (Hilarion- Roux)

1888 -2009 : Usine d’Acide Sulfurique, citrique, tartrique, sel de seignette, crème de tartre (dernier exploitant S.A.S Legré- Mante, liquidation judiciaire en 2009). La propriété du site passe à la Société Française des Produits Tartriques Mante (SFPTM).

Entre 2011 et 2013 : La mairie de Marseille délivre plusieurs permis de construire sur ces terrains. Deux arrêtés préfectoraux pris en 2012 autorisent le changement d’usage des sols.

2011 : Création du COMITE SANTE LITTORAL SUD, qui alerte les autorités (mairie et préfecture) sur le fait que toutes les études et diagnostics prévues par la réglementation n’ont pas été réalisés. Cela est pourtant indispensable pour définir une prévention sanitaire efficace. Soutenu par 25 associations et CIQ, le Comité alerte régulièrement les pouvoirs publics sur les dangers (45000 habitants dans un rayon de 3 km autour du site) et demande l’ouverture d’une concertation sur la dépollution.

2013 : A la suite du recours du CIQ Madrague, le tribunal administratif de Marseille annule le permis principal (265 logements) pour non-respect de la loi Littoral et défaut d’assainissement.

2014 : Les associations et plusieurs CIQ du quartier unissent leur action et obtiennent du promoteur le retrait du permis qui avait été redéposé un an après son annulation par le tribunal.

Fin 2015 : Le Préfet maintient les arrêtés autorisant les constructions. Pourtant, selon la réglementation des sols pollués, consultable sur le site du Ministère et de la Préfecture, il y a absence d’une étude appelée : Interprétation de l’Etat des Milieux (I.E.M.), prévue pour analyser les risques sanitaires des populations, notamment lors de la mise à l’arrêt d’une usine polluée.

D’autres dispositifs de protection et prévention de la santé des populations devraient également être prévus, notamment : La surveillance sanitaire des écoles maternelle et communale (situées à 100 mètres du site), l’analyse de l’air et de l’eau à proximité du site et sa mise en sécurité effective en attendant un plan de dépollution.

2017 : La SFTP Mante, propriétaire du site Legré Mante, est achetée par le fonds d’investissement (Private Equity Fund) Ginkgo, basé en Suisse, qui fait partie du regroupement de fonds d’investissement Edmond de Rotschild. Le PDG de la SFTP Mante, Bruno Farber, est aussi le PDG de Ginkgo.

2018 : Ginkgo conçoit et présente un nouveau projet nommé « Calanque 195 » prévoyant la construction et le réaménagement de bâtiments sur le site Legré Mante pour 332 logements et une surface de plancher encore plus imposante que celle prévue par le projet annulé en qui avait retiré en 2014.

2019 : Suite à la demande de toutes les associations pour empêcher les envols de poussières contaminées, Ginkgo s’engage publiquement à réaliser la totalité des travaux de dépollution et terrassements sous tentes étanches pressurisées. La décharge en bord de mer et la colline ne sont pas incluses dans ces mesures.

2020 : L’actuelle Mairie s’engage à faire respecter ces mesures de confinement des terrassements et du désamiantage promises par Ginkgo, et promet la mise en place de mesures concrètes (Zone à Trafic Limité) pour faire face aux problèmes de circulation.

2022 : Une enquête publique municipale permettant aux habitants du quartier d’exprimer leurs opinions sur le projet est lancée et reçoit un grand nombre d’observations qui expriment l’inquiétude des habitants concernant l’impact du projet sur la circulation et la santé. Les observations sont de fait ignorées par les autorités et par Ginkgo.

Juin 2023 : Un comité de vigilance est chargé de surveiller la dépollution : il réunit les représentants des autorités, des associations et du constructeur. Ginkgo annonce au comité de vigilance vouloir faire marche arrière sur le niveau de la dépollution :
-La grande majorité de la surface polluée par les métaux lourds ne sera plus protégée contre l’envol des poussières par des tentes pressurisées.
-Les mesures de protection sont réduites à une brumisation d’eau et à l’arrêt des travaux en cas de vent dépassant les 50 km/h en moyenne (pendant les derniers jours de Mistral le vent n’a pas atteint cette limite).
-Le coût de la dépollution descend à 11,5 millions d’euros, la moitié de la somme évaluée lors des précédentes études scientifiques.
-Ginkgo promet d’élargir les voies devant la friche, ce qui n’aura aucun impact réel sur la circulation. Le projet de ZTL n’est plus à l’ordre du jour.

Janvier 2023 : La Mairie de Marseille délivre les permis de construire pour le projet Calanque 195 de Ginkgo en ignorant les réserves formulées suite à l’enquête publique. Les travaux de dépollution prévus sur le site sont réduits au minimum afin de permettre à Ginkgo d’économiser au détriment de la santé des habitants du quartier. Les préoccupations sur la circulation ne sont pas réellement adressées, le promoteur se limite à formuler des vagues promesses sur un renforcement des transports publics qui ne dépend pas de sa volonté et devrait être fait avec des fonds publics.

Le projet de Ginkgo, derrière une façade eco-responsable, de fait ne prévoit pas une dépollution approfondie. Les promesses d’une dépollution « à la règle de l’art » formulées devant la population du quartier disparaissent lorsque le permis de construire est délivré. Le mésures de protection du chantier sont minimisées: par exemple, la dépollution sous tentes est remplacée par des techniques de brumisation inéfficaces en cas de vent, les seuils au-dessus desquels la dépollution des différentes parties du site est prévue sont plus elevés de ce qui impose la reglementation sur les sols pollués. En outre, la décharge en bord de mer (crassier) de la Verrerie et la cheminée rampante sur la colline font l’objet d’un fractionnement cadastral douteux afin d’exempter les propriétaires de dépolluer ces zones hauteemnt pollluées situées à proximité des habitations des riverains. La cession d’une partie de la surface non constructible au Parc national des Calanques, présentée comme un acte généreux, permettrait en réalité à Ginkgo de se soustraire aux obligations de dépollution sur les terrains offerts: un véritable cadeau empoisonné à la collectivité.

2023 : Les associations ASLS, Fare Sud et Union Calanques Littoral déposent deux recours en justice contre les permis de construire octroyés à Ginkgo: le premier concerne l’impact sur l’urbanisation et la circulation du quartier et le non-respect de la Loi Littoral sur ces points, le deuxième est ancré sur l’allègement de toute mesure de dépollution sérieuse et demande aux autorités et au promoteur une prise en charge de la dépollution indépendamment de tout projet immobilier, comme prévu sur la législation qui encadre les sols pollués.

Juillet 2024 : Les associations gagnent le premier recours: le projet « Calanque 195 » de Ginkgo est jugé être en violation des obligations de la loi littoral, le permis de construire est annulé. Ginkgo présente un recours contre cette annulation.

Décembre 2024 : le recours de Ginkgo est rejeté par le Conseil d’État: l’annulation des permis de construire octroyés à Ginkgo est confirmée.

Décembre 2024 : Les trois associations ASLS, Fare Sud et Union Calanques Littoral gagnent aussi la deuxième action légale entreprise autour des dangers posés par la pollution du site Legré Mante et des autres usines désaffectées et décharges illégales de produits toxiques entre Montredon et Callelongue. L’État est obligé d’assumer la dépollution de ces sites: il doit contraindre Ginkgo de dépolluer le site Legré Mante avant octobre 2025 et prendre en charge la dépollution des autres sites avant fin 2028.

Publications à propos du Dossier Legré Mante

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